jeudi 9 septembre 2010

Émilie

C'était un début de projet à moyen terme il y a un long moment déjà, mais finalement, je pense que je l'aime comme ça, sans action, avec juste des mots et une introduction qui coupe sec. Je l'ai écrit d'un coup, sans le relire avant aujourd'hui et je n'ai rien changé.

Je pense que je le préfère vraiment comme ça, brut.

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Sa sacoche est vert fluo. Verte fluo, comme dirait ma mère ; elle a qu'à chercher dans une grammaire pour se rendre compte qu'elle a tout faux. Sauf que c'est ma mère et qu'elle est têtue. Elle vous dira que le nouveau français, il accepte ça, verte fluo. Elle a tort. Et de toute façon, je n'en ai rien à foutre, du nouveau français. Ou de la nouvelle ortographe. Fuck it.

Bref, sa sacoche est vert (et non pas verte) fluo. Et ses talons, ils sont haut comme des échasses. J'aimerais qu'elle tombe en bas et qu'elle se fende la gueule en deux. Comme ça, j'aurais raison de faire dur, avec mes souliers plats ; et elle arrêterait de se promener avec son air fendant (et non pas fendu).

Ses souliers m'agressent, sa voix m'égratigne les oreilles, sa vue me donne envie d'uriner sur les murs. Ce n'est pas compliqué, je ne l'aime pas, cette femme.

Vous me trouvez rude, jalouse, mal élevée et vulgaire, n'est-ce pas?

Ben vous avez raison.

Parce que je suis née dans un appartement miteux (oooh, le beau cliché), avec une mère dépressive (encore là, hein, on connaît la chanson) et un père absent (franchement, ça frôle le ridicule, cette description), je suis devenue une connasse. On a souillé mon âme quand j'étais une môme et aujourd'hui, eh bien... je suis ce qu'on a fait de moi.

La seule chose qui fait de moi quelqu'un, c'est le français. Parce que bon, veut, veut pas, quand ça va mal, il faut se raccrocher à quelque chose. Ça fait que je me suis raccrochée aux synthaxes de phrase. Aux accords du participe passé avec les verbes pronominaux. Aux lettres, aux syllabes, aux mots, aux phrases, aux paragraphes, aux.... bon, vous suivez le refrain. Et j'ai lu. Oh oui. J'ai lu plus que vous tous réunis, je le sais bien.

Et j'ai détesté.

Des gens, pas des livres. Émilie, surtout, parce que même si sa sacoche est vert fluo (et que c'est laid), elle a de grands yeux gris avec des roues de vélo à l'intérieur et que je n'aime pas ça, moi, le vélo. Et elle a une peau blanche comme la porcelaine et la porcelaine, ça se brise vite. Et elle a un nez aquilin et que ça me fait penser à alcalin, comme dans mes cours de chimie. Je déteste la chimie.

Mais surtout, Émilie, elle est incroyablement belle et agréable ; pas moi.

Elle est tout ce que je ne serai jamais.
Elle a tout ce que je n'aurai jamais.

Jamais, jamais.
C'est long, jamais.

1 commentaire:

Jérôme a dit…

Parfois, un style concis et brut ajoute de la poigne, de la rudesse qui charme, il y a beaucoup de ça dans ce texte. J'aime bien.